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le GCA Benoît Durieux : « la guerre totale interdit toute paix ultérieure ».

Véritable sujet d’actualité, la guerre totale est pourtant un concept mal défini : guerre absolue, guerre de haute intensité, guerre majeure... Le général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur de l’IHEDN donne une définition et quelques idées pour mieux la comprendre.

le GCA Benoît Durieux : « la guerre totale interdit toute paix ultérieure ».

Avant de parler de guerre totale, pouvez-vous définir ce qu’est la guerre ?

La guerre est paradoxalement aussi un moyen de canalisation de la violence, qui a historiquement repose sur une quadruple distinction :

  1. entre l’objectif militaire qui vise les forces armées adverses et l’objectif politique qui agit sur le gouvernement,
  2. entre le temps de guerre et le temps de paix,
  3. entre le champ de bataille et les zones qui sont à l’abri de la violence des combats
  4. entre les combattants et les non combattants.

 

Ces distinctions ont rarement été observées dans l’Histoire. Néanmoins si on regarde la façon dont les hommes ont essayé de réguler les guerres, on constate que le droit ou les religions ont cherché à faire respecter ces séparations.

Qu’est-ce que la guerre totale ?

Dans le langage courant, le concept de guerre totale est employé pour désigner trois dimensions différentes des conflits. C’est d’abord un objectif illimité, qui vise à la destruction complète de l’adversaire, à la fois militaire et politique. Ensuite, c’est la mobilisation et souvent le ciblage de l’ensemble des composantes de l’État ou de la société. Enfin, c’est l’intensité de la violence utilisée et l’abandon de toute régulation.

La guerre totale, un concept politique ou militaire ?
La guerre totale est un concept politique plus que militaire parce qu’elle consiste à s’affranchir de ces séparations et à l’assumer politiquement. Au préalable, il y a un objectif politique conçu dans une volonté d’anéantir l’adversaire. Ensuite, on note l’absence assumée de toute fin au conflit et de bornes géographiques. Enfin, la société toute entière est mobilisée dans le conflit qui entraine aussi l’agression des non-combattants.
Est-ce que la guerre totale est un concept qui évolue dans le temps ?

La technologie pose la question de la guerre totale en des termes nouveaux. Les moyens de cyberattaque comme les moyens de frappe à distance s’affranchissent des limites du champ de bataille. Leur mise en œuvre nécessite aussi bien des civils que des militaires. La mise au point des capacités militaires modernes s’appuie sur des moyens industriels, financiers ou scientifiques qui engagent toute la société.

Est-ce que vous avez des exemples de guerre totale ?

Les exemples de guerre totale sont heureusement assez rares. Par certains aspects, la guerre en Ukraine s’en rapproche. Nous y retrouvons un objectif presque illimité, l’implication et le ciblage de la population. Mais elle reste une guerre limitée avec une déclaration préalable et une limitation territoriale. Il y a en revanche des guerres plus ou moins totales et surtout des guerres qui deviennent de plus en plus totales : c’est la question de la montée aux extrêmes, car la guerre totale c’est aussi une dynamique.

Comment qualifier le succès d’une guerre totale ?

La recherche de la guerre totale est un échec annoncé parce qu’elle met la politique au service de la guerre, elle interdit toute paix après le conflit.

Aujourd’hui, quels conflits risquent d’évoluer vers la guerre totale ?

Le risque de guerre totale le plus grand n’est pas entre États mais au sein des États. Les exemples les plus probants de guerre totale sont les guerres civiles. Ce sont des conflits avec des objectifs illimités, sans borne temporelle, spatiale et sociale. Et parce que les conflits intraétatiques sont les plus nombreux aux marches de l’Europe, c’’est un risque accru pour notre continent.