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Mission Djibouti pour les auditeurs de l’IHEDN

Cap vers les mers chaudes sous le commandement du général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur de l’IHEDN, pour les auditeurs des majeures « Enjeux et Stratégies Maritimes » et « Politique de défense » de l’IHEDN en mission en République de Djibouti du 13 au 16 janvier 2023.

Ces quatre jours intenses leur ont permis de découvrir au plus près du terrain les objectifs et les enjeux politiques et militaires de la France dans cette région de la Corne de l’Afrique. Ce pays, porte d’entrée de cette zone indopacifique si stratégique pour l’avenir du monde et devant lequel passe la voie maritime la plus importante du monde, véritable cordon ombilical antre l’Europe et l’Asie, a aussi permis aux auditeurs de réaliser à quel point le centre de gravité du monde s’est déplacé vers l’Est. Enfin, ce fut pour eux l’occasion de rencontrer une population qui, malgré les difficultés liées à une nature rude et un climat très difficile très éloignés de leur douce France, les a accueillis en amis de façon très chaleureuse.

Après un atterrissage à 6 heures du matin le vendredi, jour férié à Djibouti comme dans tous les pays musulmans, les auditeurs ont pris leurs quartiers à l’hôtel et ont été briefés par les forces françaises stationnées à Djibouti avec comme point d’orgue l’intervention de leur commandant, le général de division aérienne Laurent BOITE. La fatigue du vol de nuit, la perspective du départ sur le terrain le lendemain dès potron-minet et les courtes nuits qui s’annonçaient ont conduit les auditeurs à se jeter rapidement dans les bras de Morphée.

Le général de division aérienne Laurent BOITE accueillant les auditeurs
Le général de division aérienne Laurent BOITE accueillant les auditeurs

Branlebas à trois heures du matin le samedi pour les auditeurs qui, après un rapide petit-déjeuner, ont appareillé vers Arta, lieu de la première des trois démonstrations dynamiques interarmées des capacités des FFDj. Une moitié a pu bénéficier d’un transit par voie maritime sur un bâtiment amphibie de la Marine nationale tandis que les autres ont transité en camion par des pistes cahoteuses, vivant dans leurs chairs les conditions rustiques que connaissent nos soldats, mais bénéficiant également des magnifiques paysages sauvages de Djibouti.

Transit en camion au sein d’un paysage minéral impressionnant

Sur ce site extraordinaire avec comme toile de fond le Golfe de Tadjourah, les auditeurs ont pu assister à une première opération « de la mer vers la terre » consistant à libérer un otage français à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole, rappelant ainsi les opérations de libération des otages du Ponant, du Carré d’As et de la Tanit conduites au large de la Somalie en 2008 et 2009.

Les auditeurs ont ainsi pu assister à une véritable opération interarmées au cours de laquelle les commandos marines du commando Jaubert, assistés par les hélicoptères de l’armée de Terre et un avion de chasse de l’armée de l’Air et de l’Espace se sont fait larguer en parachute avec leur matériel, ont donné l’assaut contre le camp de terroristes, ont libéré l’otage puis ont été exfiltrés, tout cela en un temps record et un total effet de surprise.

Exfiltration en grappe des commandos marine et de l’otage libéré par un Puma de l’armée de Terre…
… devant des auditeurs admiratifs

Exfiltration en grappe des commandos marine et de l’otage libéré par un Puma de l’armée de Terre devant des auditeurs admiratifs.

Après ce réveil tonique rythmé par les commandos marines, les auditeurs ont rejoint la zone de Koron pour assister à une démonstration interarmées de « Combat aéroterrestre en zone désertique » conduite par le 5e RIAOM et les Forces armées djiboutiennes (FAD) soutenus une nouvelle fois par des hélicoptères de l’armée de Terre et des aéronefs de combat de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Après avoir visité les matériels de l’armée de terre et discuté avec les soldats qui les mettaient en œuvre, les d’auditeurs ont été particulièrement impressionnés par l’engagement d’un groupe tactique interarmes (GTIA) présenté par le colonel Sébastien Botheron, commandant le 5e RIAOM. Composé de chars AMX 10 RCR, de canons CAESAR, de véhicule de combat d’infanterie (VBCI) de véhicules blindés légers (VBL), et d’hélicoptères PUMA et Gazelle, ce GTIA a combattu un ennemi fictif avec des tirs réels dans une des rares zones d’entraînement dans le monde offrant cette possibilité.o.

Enfin, au coucher du soleil, présentée par le colonel Fabien Coulibaly, commandant la base aérienne 188, une interaction dans la troisième dimension de moyens aériens de l’armée de l’air et de l’espace avec le soutien des hélicoptères de l’armée de Terre constitua le bouquet final de cette journée consacrée aux capacités de forces armées. Dans le vrombissement des réacteurs, les auditeurs ont ainsi assisté à une succession de démonstrations aériennes époustouflantes au cours desquelles ils ont pu admirer les capacités de manœuvrabilité exceptionnelles de l’avion de combat polyvalent Rafale équipant la Marine nationale et l’armée de l’Air française.  

Une dernière capacité des armées françaises et non des moindres, dont ont directement pu bénéficier les auditeurs, consiste à pouvoir installer en plein désert un bivouac pour loger et nourrir 500 soldats en leur apportant tout le soutien logistique nécessaire, sans oublier le traditionnel mât de pavillon en haut duquel flottaient fièrement les drapeaux djiboutien et français.

Après un dîner dans le désert dans la plus pure tradition des armées françaises, agrémenté par quelques victuailles apportées par les auditeurs pour remercier leurs hôtes djiboutiens et conclus par les chants traditionnels de marsouins, de légionnaires et de marins, les auditeurs sont tombés de sommeil sous leurs tentes ; la journée avait été longue et trépidante !

Les auditeurs s’installent dans leurs tentes
Dîner au bivouac en plein désert

Mais la nuit fut courte, car les auditeurs furent brutalement réveillés par le clairon qui retentit le dimanche matin dans la nuit à 3h45 ! Après un brin de toilette dans les lavabos collectifs de campagne disposés à l’extérieur des tentes et un rapide petit-déjeuner il leur fallut remonter dans les camions pour reprendre la piste et rentrer à l’hôtel.

Retour en camion après une courte nuit

Après une courte remise en condition, changement de décor pour les auditeurs qui passèrent de la pratique du terrain à la théorie des conférences et des débats stratégiques avec les plus hautes autorités locales.

Ces derniers furent lancés par une intervention de S.E. Mme Dana PURCARESCU, ambassadrice de France à Djibouti.  

Puis ce fut une table ronde sur les grands enjeux de l’espace indopacifique rassemblant S.E.M Umio OTSUKA, Ambassadeur du Japon, S.E.M Ramachandran CHANDRAMOULI, Ambassadeur d’Inde et Mme Andrea TOMASZEWICZ, chargée d’affaires a.i. de l’ambassade des États-Unis auprès de la République de Djibouti. Les auditeurs ont ainsi pu améliorer leurs connaissances sur les grands enjeux de cette zone stratégique et la perception qu’en ont quelques-uns des principaux partenaires de la France.

S.E.M. Umio OTSUKA intervenant dans la table ronde sur les enjeux de la zone indopacifique

S’en est suivi une deuxième table-ronde sur « Djibouti dans son environnement international » avec S.E.M. Bin HU, Ambassadeur de Chine en République de Djibouti, M. José BARAHONA, Coordonnateur résident de l’ONU à Djibouti et M. Mohamed Idriss Farah, Conseiller spécial du Représentant Spécial du Président de la commission pour la Corne de l’Afrique. Les auditeurs ont pu mesurer à quel point Djibouti, malgré sa petite taille, était un havre de paix au sein d’une région très mouvementée et un acteur diplomatique important sur la scène internationale.

S.E.M. Bi Hu exposant la vision chinoise du rôle international de Djibouti

Après un déjeuner bien mérité, les auditeurs ont pu bénéficier des « regards croisés sur les enjeux stratégiques de la corne de l’Afrique » du Général de division aérienne Laurent BOITE, et de la Brigadier General Valerie A. JACKSON, Deputy Commanding General CJTF – HOA accompagnée du Colonel Andy PITT, J5 director. Les auditeurs ont ainsi bien perçu la complexité de cette zone, mais aussi identifié quelques lueurs d’espoir pour son avenir.   

La Brigadier general Valerie A. Jackson exposant sa vision de la corne de l’Afrique

Après une courte pause, les auditeurs ont eu l’honneur de bénéficier d’une intervention de M. Mahmoud ALI YOUSSOUF, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti et porte-parole du gouvernement, venu leur présenter les grands enjeux de la politique étrangère de son pays. Les auditeurs ont été impressionnés par la grande liberté de ton des réponses apportées à leurs nombreuses questions et l’influence diplomatique exceptionnelle de la République de Djibouti au regard de la taille de ce pays.

M. Mahmoud ALI YOUSSOUF répond à la question d’un auditeur

La journée s’est terminée par une dernière table ronde sur les enjeux et les perspectives économiques en République de Djibouti rassemblant trois grands acteurs de son économie locale : M. Ahmed Osman Ali, Gouverneur de la Banque Centrale, M. Régis Barriac, Directeur de la Banque pour le Commerce et l’Industrie – Mer Rouge (BCIMR), et M. Abdillahi Adaweh Sigad, Directeur général de la Société de Gestion du Terminal Conteneur (SGTD).

M. Ahmed Osman Ali expliquant les perspectives économiques de la République de Djibouti

Le dimanche matin, après deux journées bien remplies et un peu de repos, les auditeurs ont été répartis en plusieurs groupes pour visiter plusieurs sites : l’École Internationale de Perfectionnement des Pratiques de la Police judiciaire, les bases américaines, japonaises et de l’opération Atalante, le port de Doraleh et l’usine de désalinisation construite par le groupe française Eiffage.

Fruit d’une collaboration franco-djiboutienne élaborée par les deux chefs d’État lors d’une rencontre à l’Élysée en 2018 et inaugurée en mars 2020 avec ses premiers stagiaires, l’École Internationale de Perfectionnement des Pratiques de la Police judiciaire est située sur un campus dans la périphérie de Djibouti-ville. Les stagiaires, pour un tiers Djiboutien et issus de nombreux pays africains principalement francophones, participent par groupes d’une dizaine à des sessions d’une durée de 4 à 6 semaines afin de se former aux bonnes pratiques en matière de police judiciaire et de police scientifique et technique. Accueillis par le lieutenant-colonel Houssein Mohammed Kayad, commandant de l’école, puis ayant pu visiter plusieurs bâtiments, dont des laboratoires de formation à l’analyse des empreintes digitales, et ayant assisté à un cours de procédure d’enquête, les auditeurs ont mesuré la grande qualité de l’enseignement prodigué. 

Situé au camp Lemonnier, ancien cantonnement français de la Légion étrangère, la base américaine constitue le prépositionnement logistique et opérationnel américain pour la corne de l’Afrique. La table ronde très conviviale animée par la Major general Valérie A.Jackson a permis aux auditeurs de mieux appréhender la vision stratégique américaine dans la région, notamment au regard du contexte régional et au vu de la crise géopolitique mondiale. La visite dynamique de la base qui suivit fit réaliser aux auditeurs le gigantisme de l’empreinte logistique d’une projection de force américaine.

D’une tout autre dimension est la base japonaise ouverte en 2011 à l’occasion de l’implication du Japon dans la lutte contre la piraterie et abritant un détachement d’avions de patrouille maritime. Après une rapide visite de ses principales installations, les auditeurs ont assisté à des démonstrations de combat rapproché et de kendo par les forces d’autodéfense japonaises avec les différentes sonneries réglementaires au clairon et une session de taiko (tambour japonais). Le commandant de la base japonaise a ensuite présenté l’ensemble des activités de la base aux auditeurs avant de répondre à leurs questions. La richesse des échanges entre les militaires japonais et les auditeurs a permis à ces derniers de mesurer la synergie et les liens particulièrement étroits qui unissent la France et le Japon à Djibouti.

Photo d’accueil des auditeurs sur la base japonaise
Démonstration de Kendo sur la base japonaise

Appartenant à la force navale européenne (Eunavfor) déployée dans le cadre de l’opération Atalante, la frégate espagnole « Santa Maria » a accueilli les auditeurs à son bord. Cette opération militaire contre la piraterie en océan Indien a été initiée par la France puis mise en œuvre par l’Union européenne dans le cadre de et de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Les auditeurs ont assisté à un briefing stratégique et tactique sur l’opération et le positionnement de l’Europe en océan Indien, puis visité la frégate. Cette visite d’un bâtiment de combat participant à la première opération navale européenne a confirmé aux auditeurs tout l’intérêt de l’implication de l’Union européenne dans cette zone stratégique.

Les auditeurs ayant eu l’opportunité de visiter l’usine de dessalement située près du port de Doraleh à proximité de la base chinoise ont réalisé l’importance stratégique de cette installation dans un pays particulièrement aride dépendant auparavant totalement pour son approvisionnement en eau d’un nique pipeline le reliant à l’Éthiopie. Née d’un projet européen, cette usine très moderne – elle a vu le jour en 2017 – fonctionne selon le principe de l’osmose inversée. Certes loin de couvrir l’ensemble des besoins estimés à 110.000 m3 par jour, ce procédé efficace offre néanmoins une production journalière de 23.000 m3 au profit des quartiers les plus défavorisés, production qui sera bientôt portée à 45 000 m3 avec l’installation de la 2e tranche d’ores et déjà prévue. Les auditeurs ont d’ailleurs pu goûter cette eau qui n’a rien à envier à certains « Château Lapompe parisien ! ».

Enfin, un groupe d’auditeurs s’est rendu rendu au « Doraleh Multi-Purpose Port ». Accueillis de façon très chaleureuse par son directeur général, M. Djama Ibrahim Darar et ses grands subordonnés, ils ont bénéficié d’un briefing et d’échanges exceptionnels. Ce grand port polyvalent (vrac solide et liquide, containers, Ro-Ro, general cargo), placé sur l’une des plus importantes routes maritimes du monde reliant l’Europe et l’Asie et porte quasi-unique de l’Éthiopie pour la majorité des marchandises de ce pays, connait une forte croissance économique.  Les auditeurs ont été particulièrement impressionnés par ses capacités et ses perspectives de développement exceptionnelles accentuées par son positionnement sur la « route de la Soie maritime » de la stratégie chinoise. Offrant un tirant d’eau de 20 mètres, le port pourra accueillir les plus grands navires et ses équipements de transbordement figurent parmi les plus performants au monde. Le futur port du centre-ville accueillera centre d’affaires, datacenter, marina et hôtel de luxe en cohérence avec les ambitions de développement touristique du pays.

Les auditeurs rassemblés autour de M. Djama Ibrahim Darar

À peine rentrée de leurs différentes visites sur le terrain, une partie des auditeurs s’est rendue à l’ambassade de France à l’invitation de S.E. Mme Dana PURCARESCU qui avait organisé un déjeuner de travail sur deux thèmes, « l’économie bleue » et de « la santé ». Leur rencontre avec de grands acteurs djiboutiens de ces secteurs permit des échanges particulièrement fructueux et des prises de contact prometteuses pour de futures coopérations bilatérales.

Enfin, une séquence d’échanges ouverts animée par S.E. Mme l’Ambassadrice de France, le COMFOR FFDj et le Directeur de l’IHEDN est venue clôturer cette mission riche d’enseignements.

Derniers échanges avec S.E. Mme l’Ambassadrice de France, le COMFOR FFDj et le directeur de l’IHEDN

Enfin, les auditeurs ayant encore un peu d’énergie se sont rendus en ville à la rencontre des Djiboutiens et ont pu découvrir plus en détail les emprises françaises à Djibouti ainsi que la vie quotidienne des soldats des FFDJ et de leurs familles.

C’est riche d’une expérience inoubliable, impressionné par la qualité de l’accueil qui leur a été réservé et fier des capacités et du professionnalisme de leurs armées que, dans la soirée, les auditeurs ont décollés vers la métropole pour un nouveau vol de nuit. Le sommeil est arrivé très rapidement avec l’arrêt brutal du flux continu d’activités de ces quatre derniers jours. Fatigués, mais heureux, les auditeurs garderont longtemps dans leur mémoire cette mission unique sur le sol de Djibouti dont ils sont désormais de nouveaux ambassadeurs.