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Ludovic Schultz : « L’accord conclu aux Nations Unies le 4 mars dernier est doublement historique. »

Après 15 ans de discussions et négociations, les États membres de l’ONU se sont accordés sur un Traité international de protection de la haute mer. Ludovic Schultz, auditeur de l’IHEDN, récemment nommé directeur du parc national des Écrins, a contribué à son élaboration pendant de longues années, comme sous-directeur au ministère de la transition écologique puis comme conseiller du secrétaire général de la mer. Il nous éclaire sur cet accord historique.

Pourquoi ce traité est historique ?

L’accord conclu aux Nations Unies le 4 mars dernier est doublement historique.

En premier lieu, il est le premier accord global sur la protection de la biodiversité dans les zones de haute mer, au-delà des juridictions nationales, là où jusqu’alors aucun instrument international ne permettait de réglementer les activités au regard de leur impact sur les espèces et les habitats marins. C’est un donc un champ géographique considérable, qui représente 60 % de la surface des Océans et près de 50 % de la surface terrestre qui va enfin pouvoir être protégé par le droit international.

En second lieu, cet accord adopté par consensus entre tous les États siégeant aux Nations Unies vient marquer la fin d’un long processus de discussions internationales engagé dans cette enceinte en 2006. Ce résultat, dans la période particulière que nous connaissons de ravivement des tensions internationales et de de remise en question du multilatéralisme est particulièrement notable. Il montre en effet que sur des sujets aussi graves que les enjeux environnementaux, l’échelle de décision globale et les mécanismes éprouvés de dialogue multilatéral des Nations Unies conservent toute leur utilité et leur pertinence.

Quels sont les principaux objectifs de cet accord ?

De manière concrète, les objectifs de cet accord sont d’abord de permettre le déploiement d’outils de protection de la biodiversité en haute mer, dans les eaux internationales. Ces outils permettront d’enrayer le déclin de la biodiversité marine dont on sait désormais qu’elle contribue de façon déterminante à la fonction de régulateur climatique des océans et qui demeure par ailleurs une ressource fondamentale pour l’alimentation ou de nombreux autres usages.

L’accord permettra en premier lieu de soumettre à étude d’impact préalable toutes les activités en haute mer, dans les eaux internationales, susceptibles d’avoir un impact grave et durable sur la biodiversité et de soumettre à une évaluation préalable celles pour lesquelles existe un doute sur leurs effets potentiels. Sur cette base, ces activités pourront être interdites ou encadrées pour en limiter les impacts.

L’accord va également permettre de désigner des aires marines protégées dont les mesures d’encadrement ou de restriction des activités s’imposeront à tous les États et à tous leurs ressortissants. Les autres organisations internationales compétentes en mer pour la pêche, le transport maritime ou l’exploitation des fonds marins devront en outre rendre compte de la façon dont elles traduisent dans leur propre réglementation les objectifs de protection en vigueur dans ces aires marines protégées.

Enfin, l’accord va mettre en place un système à la fois de contrôle de l’exploitation des ressources génétiques marines en haute mer et un système de partage des bénéfices de leur exploitation au profit des États en développement. Ce partage des bénéfices pourra prendre la forme de mises à disposition de données scientifiques ou d’un partage de bénéfices monétaires.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les prochaines étapes seront d’abord celles qui précèdent l’entrée en vigueur d’un instrument international. À très court terme, le secrétariat général des Nations Unies va produire un document vérifié par les juristes, disponible dans toutes les langues de travail des Nations Unies, qui sera soumis pour approbation formelle de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Ensuite ce texte sera ouvert à signature puis à ratification des États. Il entrera en vigueur 120 jours après le dépôt du soixantième instrument de ratification.

Une première convention des parties devra être convoquée dans un délai maximum d’un an après l’entrée en vigueur de l’accord. C’est à compter de cette première réunion que pourront en particulier commencer les travaux de la COP sur la désignation d’aires protégées en haute mer.

 

Il est important de noter que divers mécanismes et organes seront constitués pour appuyer le travail de la COP. En particulier, un organe scientifique et technique qui évaluera notamment les propositions de création d’aires marines protégées et de mesures de gestion à mettre en œuvre ainsi que la qualité des évaluations d’impacts réalisées par les États.

 

Un système de partage de données et de transparence (Clearing House Mechanism) sera également instauré pour permettre le partage des données issues de l’exploitation des ressources génétiques marines. Un fond sera aussi constitué pour assurer le partage de ressources au profit des États en développement. Pour la France et l’Union européenne, il importe donc désormais de favoriser une ratification rapide de cet accord par le plus grand nombre d’États. La conférence des Nations Unies sur l’Océan que la France va accueillir à Nice en 2025 sera sûrement une étape très importante dans ce processus de mobilisation.