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Afrique-France : vers un nouveau modèle de partenariat militaire

À l’occasion du 4e séminaire “L’Afrique en mouvement”, cette semaine à l’École militaire, et après une visite du président de la République, retour sur les nouvelles perspectives stratégiques françaises sur le continent.

Ce mercredi s’ouvre à l’École militaire le 4e séminaire “L’Afrique en mouvement”, organisé par l’IHEDN et les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCE), sur le thème “Présence française au Sahel et en Afrique de l’Ouest : Quelles complémentarités face aux nouveaux défis ?” Ces derniers sont en effet nombreux sur le continent.

LA NOUVELLE DONNE DU XXIE SIÈCLE : CHINE ET RUSSIE EN FORCE

Pendant une centaine d’années, jusqu’aux décolonisations de la deuxième moitié du XXe siècle, l’Afrique a été une chasse gardée européenne : France et Royaume-Uni surtout, mais aussi (dans une moindre mesure) Portugal, Belgique, Allemagne, Espagne et Italie avaient presque entièrement colonisé le continent, seule l’Éthiopie n’ayant jamais été conquise.

L’ère des indépendances, puis la Guerre froide ont ensuite changé la donne. Et depuis le début du XXIe, deux grandes puissances, la Chine (dès l’an 2000) et la Russie (depuis 2014 et les sanctions occidentales consécutives à l’invasion de la Crimée), y sont devenues des acteurs majeurs.

En 2019, la Chine cumulait 170 milliards de dollars d’échanges bilatéraux avec l’Afrique, soit “quatre fois plus qu’avec les États-Unis”, notait cette même année Aline Leboeuf, chercheuse au centre des études de sécurité de l’IFRI, dans le podcast de l’IRSEM, Le Collimateur. Soit, aussi, dix fois plus que la Russie. La Chine, dont 1 million de ressortissants se trouveraient sur le continent, s’intéresse particulièrement aux ressources (pétrole et minerais), mais aussi à la valeur militaire et diplomatique de ces alliances.

Avec 54 États, l’Afrique représente en effet 54 voix à l’Assemblée générale des Nations unies, qui peuvent constituer un appui non négligeable : le 2 mars 2022, 16 de ces États se sont ainsi abstenus lors du vote de la résolution appelant la Russie à se retirer d’Ukraine. Après la crise financière de 2008 et les sanctions occidentales depuis 2014, la Russie a signé plusieurs contrats de vente d’armement et alliances de coopération militaire, avec l’Égypte notamment.

LA RUSSIE, PREMIER VENDEUR D’ARMES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Mais “si l’Afrique du Nord (Algérie, Libye et Égypte notamment) constitue bien le point d’entrée de la Russie sur le continent, elle n’est plus aujourd’hui le seul point d’ancrage de Moscou en Afrique”, relevait en novembre 2022, Aurélie Vittot, docteure à l’IHEDN dans une note d’analyse : Centrafrique, Angola, Madagascar, Mozambique, Soudan signent avec elle des accords de défense, accueillent ses sociétés militaires privées, ou approfondissent leur coopération sécuritaire. “Cette formule s’avère particulièrement attractive pour un certain nombre de régimes africains souhaitant se maintenir au pouvoir”, estime la chercheuse, la Russie “offrant notamment une assistance en matière de sécurité moins exigeante que l’Occident (droits humains et gouvernance)” : Moscou a ainsi fourni 28 % des armes aux pays d’Afrique subsaharienne entre 2008 et 2017, devant la Chine (24 %), l’Ukraine (8,3 %) et les États-Unis (7,1 %).

LA NOUVELLE STRATÉGIE FRANÇAISE SUR LE CONTINENT

Le 27 février, juste avant de s’envoler pour une tournée en Afrique centrale (Gabon, Congo, Angola, RDC), le président de la République Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de “bâtir un nouveau modèle de partenariat militaire” avec l’Afrique dans les quatre ans à venir. Afin d’établir “une nouvelle relation responsable, équilibrée et réciproque”, le chef de l’État entend repenser le concept des bases militaires – outre les 3000 soldats qu’elle déploie au Sahel, la France entretient actuellement des bases en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon (celle de Djibouti étant incluse dans la zone indopacifique).

Il souhaite que ces bases changent “de physionomie et d’empreinte”, grâce à une “africanisation” et à une “mutualisation”, en devenant pour certaines des “bases conjointes” avec les armées des États qui les accueillent, et pour d’autres des “académies militaires”. Pour ce faire, le Président propose deux axes :

  • “Une réduction visible des effectifs français et l’augmentation des effectifs de nos partenaires africains.”
  • “Une augmentation de l’offre de formation, d’accompagnement et d’équipements au meilleur niveau.”

Reprenant les termes de son discours prononcé à Ouagadougou (Burkina Faso) en novembre 2017, Emmanuel Macron a répété qu’il n’y a “plus de politique africaine de la France”. Il rejette aussi l’appel à la compétition, dans une allusion à l’action russe en Afrique :

“Certains arrivent avec leur armée ou leurs mercenaires ici et là. Plongez-y, vous Français, c’est là que vous êtes attendus, c’est le rôle qui est le vôtre. Allez faire la compétition avec eux, vous êtes attendus là. Je ne le crois pas. C’est le confort des grilles de lecture du passé, mesurant notre influence au nombre de nos opérations militaires ; ou nous satisfaire de liens privilégiés et exclusifs avec des dirigeants, ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant ; ou jouer des coudes pour nous placer seul au centre du jeu. Ce temps-là a vécu.”

L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION

Évoquant la situation au Mali, où la France est “par amalgame” l’objet du rejet qui frappe la classe politique locale ayant échoué à assurer la sécurité du pays, le Président a affirmé qu’il ne laissera pas “se reproduire cette situation où par un engrenage de déresponsabilisation et de substitution, la France devient le bouc émissaire idéal”.

Sans mentionner explicitement la guerre informationnelle ni les activités russes en Afrique dans ce domaine, le chef de l’État a aussi déclaré que la France devait mieux communiquer dans le cadre de ce nouveau partenariat franco-africain :

“Cette transformation suppose de changer notre manière de faire et de communiquer sur ce que nous déployons, d’abord en étant plus réactifs, plus visibles et par conséquent plus lisibles. Il faut là-dessus assumer nos échecs, mais il faut aussi assumer mieux notre succès.”