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Colonel D. Schuster : « La robotique est une évolution et pas une révolution »

Officier référent robotique au sein de l’état-major de l’armée de Terre, le colonel Schuster revient sur les évolutions et ambitions dans ce domaine, sur fond d’actualité.

Que change pour l'instant la robotique dans « le champ de bataille » ? Et dans un futur proche ? Quelles ambitions ?

 La robotique apporte trois nouveautés importantes sur le champ de bataille. Premièrement, la substitution : la robotique peut se substituer à l’humain pour certaines tâches de la mission. Il ne s’agit pas de remplacer l’homme, mais de le décharger de certaines tâches répétitives, dangereuses ou pour lesquelles les robots sont plus performants. Cette approche est fondamentale pour trouver la meilleure synergie entre homme et systèmes automatisés. L’un des fantasmes liés à la robotisation du champ de bataille, c’est la déshumanisation ou la guerre par procuration. Ce ne sont pas les directions vers lesquelles l’armée de Terre s’engage. Deuxièmement, l’augmentation de la profondeur de délivrance des effets : les systèmes automatisés vont permettre de réaliser des effets de plus longue portée et durée. En ce sens, ils vont changer les « métriques » du champ de bataille. A l’avenir, un groupe de combat « robotisé » pourra délivrer les effets réalisés à l’heure actuelle par une section. Enfin, les phénomènes de saturations : les systèmes automatisés sont porteurs de « masse » et de « nombre » sur le champ de bataille. Ils permettent ainsi de travailler les phénomènes de saturation en utilisant éventuellement des systèmes sacrifiables. L’ambition portée par le projet Vulcain est que l’armée de Terre dispose et maîtrise des systèmes automatisés choisis pour conserver sa supériorité opérationnelle sur le champ de bataille. 

Comment la démarche Vulcain structure-t-elle le développement des systèmes automatisés ?

La démarche Vulcain structure le développement des systèmes automatisés en privilégiant une approche opérationnelle et pragmatique de la robotique. Le mot d’ordre est : nous pouvons tout robotiser, mais de quoi avons-nous réellement besoin ? La France dispose d’un outil de défense très complet. Il s’agit donc de voir si les apports de la robotique remettent en cause certains de nos systèmes actuels ou viennent les compléter. La réponse est claire : à l’heure actuelle, la robotique est une évolution et pas une révolution. Néanmoins, cette évolution est majeure. Le projet Vulcain nous permet, avec la direction générale de l’armement (DGA), l’agence de l’innovation de la défense (AID), le Battle Lab Terre (BLT) et sa section exploratoire robotique d’explorer le champ des possibles. Nous identifions des pistes prometteuses qui nous permettent également d’écarter les “fausses bonnes idées“. Le projet Vulcain, c’est tester, accepter de se tromper pour pouvoir finalement mieux choisir. 

Quels enseignements opérationnels peut-on tirer de son utilisation sur les terrains "réels" les plus récents, comme les conflits au Haut Karabagh et en Ukraine ?

Le Haut Karabagh a consacré l’usage des munitions téléopérées. Ce nouveau type d’équipements permet à des pays ne disposant pas nécessairement d’un spectre capacitaire complet (notamment dans la partie aérienne) de bénéficier de certains effets jusqu’ici non accessibles (frappe dans la moyenne portée). Il faut cependant faire attention à ne pas transposer trop brutalement les enseignements d’un conflit contextualisé par les belligérants, à l’armée française. Nous souhaitons néanmoins aujourd’hui doter nos capacités de ce type d’équipements. 

Pour l’Ukraine, le constat “robotique“ est plus mitigé. Si les drones sont employés en masse, c’est principalement en tant que jumelles déportées, pour l’acquisition de renseignement de contact. Il y a peu de systèmes automatisés déployés. Cet enseignement est très important : il ne faut pas oublier que dans un conflit dit symétrique, la masse est importante. Le char de bataille, l’obus et le fantassin restent au cœur de la bataille. Il faut donc réfléchir à la synergie future entre ces acteurs de la guerre et les systèmes automatisés. 

Quelles innovations issues du Battle Lab Terre pourra-t-on voir à l'œuvre lors du challenge CoHoMa II le 10 mai ?

Le 10 mai 2023, le Battle Lab Terre et la section exploratoire robotique présenteront d’un point de vue tactique les évaluations de munitions téléopérées, de drones bombardiers et d’une plateforme terrestre de combat. Il sera également possible de découvrir les systèmes utilisés par les différentes équipes participant au challenge CoHoMa-II qui sont autant de façons de faire face au défi technique et opérationnel de cet exercice. Ces systèmes vont des robots “chiens“, au mini véhicule autonome en passant par des drones intelligents.