En ce début d’année 2024, l’histoire s’accélère en Amérique latine, région en proie depuis des décennies à une hyperviolence, qui vient rappeler l’impact géopolitique et pas seulement sécuritaire des organisations criminelles quand elles atteignent un seuil de développement critique. Le basculement du domino équatorien, jusque-là récemment relativement épargné par ces phénomènes, liés notamment aux trafics de drogues, que l’on voit quotidiennement au Mexique, au Venezuela ou encore en Colombie, en fournit une énième illustration tragique. En l’espace d’une dizaine d’années, le pays est devenu un espace de transit majeur de la cocaïne produite en Colombie en direction des États-Unis, de l’Europe et, dans une moindre mesure, de l’Asie. Encerclé par les deux plus grands producteurs de cocaïne au monde, doté d’une façade sur le Pacifique qui ouvre vers l’Asie à l’ouest, le corridor centre américain lui donnant accès à l’Europe via le canal de Panama et les États-Unis au nord, l’Équateur était malheureusement condamné par sa géographie à attirer les convoitises d’organisations criminelles en quête incessante de nouvelles routes. S’il est probablement encore trop tôt pour parler d’État failli, l’arrière-fond des multiples crises d’ordre à la fois politique, sociale et sécuritaire que rencontre le pays depuis quelques années fait craindre une « mexicanisation », dont on sait qu’une fois entamée il est très difficile de sortir.
Entretien avec GANDILHON Michel, IFRI, 12 janvier 2024