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Le patrimoine du ministère des Armées, fer de lance de la culture de défense

Des dizaines de sites dépendant du ministère des Armées ont ouvert ce week-end à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Tout au long de l’année, par les pierres, l’humain ou l’immatériel, le MinArm est le deuxième acteur culturel de l’État français, même hors de nos frontières. Revue de détail.

Juste derrière « la rue de Valois », il y a l’hôtel de Brienne et l’Hexagone Balard : après le ministère de la Culture, c’est en effet celui des Armées qui constitue le deuxième acteur culturel de l’État. Le week-end dernier, la 41e édition des Journées européennes du patrimoine (JEP) a été une belle occasion d’en juger pour près de 200 000 visiteurs (le bilan 2024 n’est pas encore parvenu, mais ils étaient plus de 175 000 en 2023). Ces deux jours en quelques chiffres : 95 sites ouverts en métropole et dans les territoires ultra-marins, dont 36 exceptionnellement pour les JEP ; 800 000 objets culturels d’exception dans les collections ; 160 sites classés ou inscrits aux monuments historiques, 10 hauts lieux de la mémoire nationale et plus de 80 sites mémoriels.

Mais tout le reste de l’année, le ministère des Armées et ses différentes composantes effectuent un travail majeur de diffusion de la culture de défense, auprès de la population civile de tous âges. Derrière les trois emblématiques musées nationaux – musée de l’Armée, musée de la Marine et musée de l’Air et de l’Espace -, la quinzaine de musées d’armes répartis sur tout le territoire présentent l’histoire et le patrimoine propres aux Troupes de marine (Fréjus, Var), aux sous-officiers (Saint-Maixent-l’École, Deux-Sèvres) ou aux Troupes de montagne (Grenoble, Isère) par exemple.

Depuis le milieu des années 1990, ces musées ont commencé à ouvrir à longueur d’année, attirant 300 000 visiteurs en 2023. « Ce sont à 90% des civils et 10% des militaires, ratio qui s’est inversé en 30 ans », indique le commandant Géraud Seznec, référent Patrimoine de l’armée de Terre. Chaque musée est autonome dans sa gestion et sa communication. Ainsi, le musée de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) et de l’Hélicoptère de Dax (Landes) a doublé sa fréquentation en un an, grâce à une audacieuse promotion sur ses réseaux sociaux, avec la contribution d’élèves pilotes.

PLUS DE 11 MILLIONS DE VISITEURS CHAQUE ANNÉE

Voilà pour les « petits » musées propres à l’armée de Terre. Mais si l’on inclut les trois « grands » musées nationaux (2 millions de visiteurs en 2023, dont 600 000 de moins de 26 ans) et, surtout, les sites mémoriels, le patrimoine géré par le ministère des Armées attire plus de 11 millions de visiteurs chaque année !

Ces sites mémoriels, qui drainent la majorité de la fréquentation de tous les sites du ministère, dépendent de sa Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), elle-même placée sous l’autorité du Secrétariat général pour l’administration (SGA). Depuis un arrêté ministériel de 2019, il existe 10 Hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), dont la gestion est assurée par l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), autre entité du MinArm. Parmi les 10 HLMN, 5 disposent d’un espace d’accueil et d’un centre de médiation : le Mont-Valérien (Hauts-de-Seine), la prison de Montluc (Rhône), le mémorial du Mont-Faron (Var), le camp du Struthof (Bas-Rhin) et le mémorial des martyrs de la déportation (dans l’Île de la Cité à Paris).

Aux 10 HLMN s’ajoutent 290 nécropoles, 2 170 carrés militaires dans des cimetières communaux, 47 cimetières militaires dans les territoires ultramarins et 1 000 lieux de sépultures répartis dans plus de 80 pays. Au total, pour l’entretien de ces lieux de mémoire, la DMCA a alloué près de 16 M€ en 2023 aux différents acteurs du ministère des Armées (ONaCVG pour la métropole, états-majors pour l’outre-mer et attachés de défense en ambassade à l’étranger).

Cette mission ne représente qu’une petite partie des actions de la DMCA, dotée d’un budget total d’environ 320 millions d’euros en 2024. Elle fonctionne grâce à deux sous-directions et coiffe un service à compétence nationale :

  • La sous-direction de la mémoire combattante, qui participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique de l’État dans le domaine de la mémoire des guerres et des conflits contemporains (de 1870 à nos jours) et élabore le programme commémoratif correspondant.
  • La sous-direction des patrimoines culturels, qui élabore et met en œuvre la politique culturelle d’ensemble du ministère des Armées, couvrant les musées, les monuments historiques, les biens culturels et les bibliothèques. Elle exerce la tutelle stratégique des établissements publics du musée de l’Armée, du musée de la Marine et du musée de l’Air et de l’Espace, ainsi qu’une tutelle métier sur l’activité « archives » de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD).
  • Le Service historique de la défense (SHD), à compétence nationale, par le biais duquel la DMCA élabore et met en œuvre la politique archivistique du MinArm : avec 450 kilomètres linéaires d’archives, le SHD est le premier service d’archives au niveau national.

LA PREMIÈRE BIBLIOTHÈQUE D’HISTOIRE MILITAIRE D’EUROPE

Ce dernier abrite aussi la première bibliothèque d’Europe en matière d’histoire militaire, riche d’un million de documents répartis entre le site principal de Vincennes (Val-de-Marne) et six autres dans toute la France. Les documents conservés vont des manuscrits (le plus ancien remontant au XIIe siècle) aux livres en passant par les périodiques, atlas ou plans et la « littérature grise » (thèses, mémoires, rapports, documents règlementaires, cours…).

La DMCA, qui chapeaute les « Delpat » (délégations au patrimoine) des trois armées (Terre, Air et Espace, Marine nationale), travaille aussi avec de nombreux partenaires extérieurs. Pour soutenir l’enseignement de défense par exemple, elle s’appuie au niveau local sur les « trinômes académiques » associant le rectorat, le délégué militaire départemental et l’Union des auditeurs de l’IHEDN. Elle finance aussi des contrats doctoraux – un en 2023 sur les « Rôles et contributions du transport aérien militaire à la politique de défense française – l’exemple du Transall (1957-2022) », trois en 2024. Des prix sont décernés à des thèses ou à des bandes dessinées, l’édition de livres ou la production de documentaires sont aussi soutenues.

Dans le domaine audiovisuel, la Mission cinéma et industries créatives (MCIC) du ministère est bien connue des sociétés de production ; parmi les dernières créations accompagnées, la série « Cœurs Noirs » se penche sur le quotidien des forces spéciales. Côté patrimoine, le maintien en état des nombreux forts militaires de l’Est du pays est confié à des associations de passionnés avec, pour les conseiller, une officier de réserve basée à Nancy.

Les actions culturelles du ministère des Armées en direction du grand public passent aussi par le numérique. Depuis 2015, un système d’information, Archange, est dédié à la gestion et à la valorisation des biens culturels (œuvres d’art, mobilier, uniformes, insignes…), que le MinArm en soit propriétaire ou simplement dépositaire (par le Mobilier national, par exemple). Fin 2023, Archange recensait ainsi plus de 176 000 biens, avec chacun sa notice explicative, en partie consultables sur le site « Mémoire des Hommes ». Ce site a reçu plus de 100 000 visites par mois en 2023.

DES COMPAGNONS DE LA LIBÉRATION SUR DES POCHOIRS AU TCHAD

Hors musées et lieux de mémoire, l’action culturelle du ministère la plus connue du grand public est sans doute celle des peintres des armées. Cette spécialité remonte à l’Ancien régime, quand les souverains demandaient à des artistes d’immortaliser leurs faits de gloire, comme le Bruxellois Adam Frans van der Meulen, « peintre des batailles du roi » Louis XIV.

Il en existe désormais quatre corps, dont les membres accompagnent des militaires en mission : les peintres de l’armée de Terre, les peintres officiels de la Marine (POM), les peintres de l’Air et de l’Espace et, depuis 2020, les peintres de la Gendarmerie (armée placée sous la tutelle fonctionnelle du ministère de l’Intérieur).

La peintre de l’armée de Terre Maryse Garel lors d’une mission au camp de Canjuers (Var), en octobre 2022. © DELPAT-armée de Terre-Défense

Il s’agit en fait d’artistes usant de médias plus variés : peintres, mais aussi illustrateurs, dessinateurs, graveurs, sculpteurs ou photographes. Et même graffeurs : l’artiste urbain et pochoiriste Christian Guémy, plus connu sous son pseudonyme de C215, est ainsi parti début mai au Tchad peindre des portraits de Compagnons de la Libération, en compagnie du sculpteur Thomas Waroquier.

L’une des missions culturelles les plus méconnues du MinArm s’effectue en partie à l’étranger. La Delpat de l’armée de Terre maintient aujourd’hui une tradition remontant à la création, en 1917, du « Service de protection des monuments et œuvres d’art en zone des armées ». Disposant d’« officiers conservateurs » depuis 1996, la Delpat les envoie en opérations pour préserver le patrimoine local pendant des conflits, comme en Centrafrique en 2018 ou au Mali en 2019.

Elle met aussi ses compétences au service d’armées alliées : en 2023-2024, des unités ukrainiennes, grecques, polonaises, libanaises, estoniennes et congolaises ont ainsi été formées, en bilatéral ou par le biais de l’OTAN et de l’UNESCO.