Nommés au début de l’été par arrêté de la Première ministre, c’est en sa présence que les 283 auditrices et auditeurs de la 3e session nationale ont effectué leur rentrée, mercredi 13 septembre à l’École militaire. Tout au long de la journée, ils en ont appris plus sur le déroulé de leur formation, qui s’étalera jusqu’en juin 2024, tout en bénéficiant des premières conférences délivrées par des personnalités du monde militaire et civil, en relation avec le thème d’étude choisi pour cette année : « Face à la guerre, la France et les nouveaux équilibres de sa défense et de sa sécurité ».
Le Directeur de l’IHEDN, le général de corps d’armée Benoît Durieux, les a d’abord accueillis dans l’amphithéâtre Foch en leur prédisant « le début d’une aventure collective qui marquera plus que votre année ». Il a salué les officiers envoyés pour cette session par sept armées alliées (Allemagne, Canada, Espagne, États-Unis, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni), mais aussi les auditeurs issus du monde civil, en soulignant : « Nous sommes tous des citoyens. »
Détaillant les quatre cercles du périmètre de la défense nationale, au cœur de la vocation de l’IHEDN, le Directeur leur a aussi rappelé la devise de l’Institut : « Comprendre pour agir, se comprendre pour agir ensemble. » « C’est la boussole de nos sessions depuis 1936 », a-t-il souligné. Brossant un panorama du contexte stratégique actuel, le général Durieux a détaillé « trois grands phénomènes d’aujourd’hui : la rugosité nouvelle des relations entre États ; l’anarchie qui frappe des régions entières à nos marches » avec des mouvements terroristes ou des trafics variés, sachant qu’« il est plus difficile de contrôler le désordre que de raisonner un État unifié ; et des fragilités qui se font jour sur nos territoires ».
DES INTERVENTIONS COUVERTES PAR LA RÈGLE DE CHATHAM HOUSE
Le préfet Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et tutelle de l’IHEDN au nom de la Première ministre, a ensuite détaillé ses missions et l’importance de celle de l’Institut. Mais la prise de parole du SGDSN étant couverte par la règle de Chatham House, définie pour assurer une plus grande liberté de parole, son contenu est resté confiné entre les murs de l’École militaire. Idem plus tard dans la journée pour l’intervention du Chef d’état-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, et ses échanges avec les auditeurs, ainsi que pour celle du général de corps d’armée Jacques de Montgros, Directeur du renseignement militaire, le lendemain matin. Ce sera le cas jusqu’à la fin de la session de toutes les prises de paroles de personnalités extérieures devant les auditeurs.
Présidente du conseil d’administration de l’IHEDN, l’ambassadeur Sylvie Bermann en a rapidement évoqué le rôle, et celui du conseil scientifique. Elle a ensuite aussi livré sa vision du contexte stratégique, soulignant qu’elle a pris ses fonctions au moment de la pandémie en 2020, premier « cygne noir » dans le ciel mondial. « La guerre en Ukraine est un autre cygne noir, et en réalité, il y a aujourd’hui dans le monde plus de cygnes noirs que de cygnes blancs », a-t-elle ajouté, citant l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian : « Le monde nouveau, ça va être le monde ancien en pire. »
Le préfet Denis Conus, Directeur adjoint de l’IHEDN, a ensuite présenté en détails cette 3e session. Au printemps dernier, lui et la chef du département de la session nationale, l’ingénieur général de l’armement Florence Plessix, ont présidé les jurys de sélection de 500 candidatures venues d’horizons très variés. « La voie d’accès à l’IHEDN n’est pas un concours académique, beaucoup d’entre vous en ont réussi de très difficiles », a-t-il remarqué. « L’entretien avec le jury vise à permettre au directeur de donner à la Première ministre le meilleur conseil. Et le meilleur conseil, c’est une liste qui optimise le bénéfice de la formation pour la diffusion de l’esprit de défense dans tous les secteurs de la société. »
DES CANDIDATURES EN HAUSSE DE 43%, MEILLEUR TAUX DE RÉUSSITE POUR LES FEMMES
En deux ans, le nombre de candidatures a augmenté de 43%. En dehors des militaires du Centre des hautes études militaires (CHEM) et des parlementaires (8 députés, 4 sénateurs, un député européen), membres de droit, tous ont passé la sélection. Avec 283 auditeurs, soit 18 de plus que l’an dernier, « on est presque au maximum de nos capacités », a noté le préfet. Leur âge moyen est de 47 ans. 30% des candidats sont des femmes, mais à l’arrivée, il y a 35% d’auditrices dans la session. « Le taux de réussite des femmes est donc supérieur à celui des hommes, sans aucune discrimination positive. »
Outre les militaires des 7 pays alliés, les auditeurs viennent de 45 départements de l’hexagone et, nouveauté cette année grâce à une convention passée avec le ministère des Outre-mer, de départements, régions ou collectivités plus lointaines : Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Réunion. En termes de composition socio-professionnelle, on retrouve quatre grandes catégories :
- Secteur privé : 31%, venus pour les 2/3 de PME, ETI, ou indépendants, et 1/3 de grands groupes, dans l’énergie, les télécoms et le numérique, l’armement, l’aéronautique et le spatial, banque et finance, édition, transport, bâtiment, conseil…
- Ministère des armées : 28%, avec en majorité des militaires représentant les trois armées et la gendarmerie, mais aussi des civils
- Secteur public : 21%, avec des représentants des trois fonctions publiques (d’État, territoriale, hospitalière), des administrations centrales, de la magistrature et de l’enseignement supérieur
- Le reste est composé des relais d’opinion, pour qui les candidatures sont en augmentation : parlementaires, élus territoriaux, dirigeants d’associations ou de fondations, avocats, représentants des syndicats et des cultes (un catholique, un protestant, un bouddhiste).
Florence Plessix a ensuite succédé au Préfet sur la scène de l’amphi Foch pour détailler la session nationale. La formation de l’IHEDN repose sur un triptyque pédagogique, détaillé par le docteur Guillaume Lasconjarias, chef du département des études et de la recherche, avec :
- Des conférences de personnalités du monde de la défense
- Des travaux sur des sujets précis en comités rassemblant plusieurs auditeurs
- Des visites de terrain en France et à l’étranger, et missions auprès des forces armées prépositionnées : Guyane, Djibouti…
Les 283 auditeurs suivent ensemble un tronc commun et des formations dédiées pour chacune des cinq majeures, que leurs chefs ont tour à tour présentées :
- Politique de défense (PolDef), dirigée par le général de corps d’armée (en 2e section) Michel Yakovleff
- Armement et économie de défense (AED), dirigée par l’ingénieur général de l’armement (2S) Étienne Paris
- Défense et sécurité économiques (DSE), dirigée par l’ingénieur général de l’armement (2S) Jacques Roujansky
- Enjeux et stratégies maritimes (ESM), dirigée par le vice-amiral (2S) Franck Baduel
- Souveraineté numérique et cybersécurité (SNC), dirigée par le vice-amiral d’escadre (2S) Henri Schricke
ÉLISABETH BORNE :
« LES MOTS D’UNE FEMME QUI A PORTÉ L’UNIFORME »
Dans l’après-midi, la Première ministre Élisabeth Borne est intervenue devant l’ensemble des auditeurs et plusieurs autorités militaires et gouvernementales. Introduisant son propos par le thème d’étude de cette 3e session nationale, « face à la guerre, la France et les nouveaux équilibres de sa défense et de sa sécurité », la chef du gouvernement l’a souligné : « Nous aurions sans doute tous souhaité éviter de nous reposer ces questions cruciales et douloureuses. Il vous reviendra pourtant, au cours de cette année, d’y réfléchir dans le cadre de vos travaux. »
« Avec les mots d’une femme qui connaît les armées, qui a porté l’uniforme » (NDLR : de l’École polytechnique), elle a ensuite enjoint les auditeurs à « aborder cette question avec lucidité, avec une certaine gravité, mais aussi une grande confiance dans les capacités de notre pays à affronter les défis de notre temps ».
De constats en analyses, la Première ministre a émaillé son propos de conseils aux auditeurs pour aborder leur formation à l’IHEDN : « Nous traversons une période de profondes mutations avec le retour de la guerre en Europe, et des crises qui émergent dans le monde. Pour analyser cette période, nous devons regarder le monde tel qu’il est, sans tordre la réalité pour qu’elle nous rassure ou qu’elle corresponde à une grille de lecture prédéfinie. »
Après avoir salué la présence d’auditeurs des Outre-mer, la chef du gouvernement a évoqué le lancement prochain de l’Académie de défense de l’École militaire (ACADEM), en soulignant l’importance de miser « sur la formidable expertise développée sur le site de l’École militaire, cœur de la pensée stratégique française. Le projet d’Académie de défense de l’École militaire qui verra le jour en octobre prochain témoigne de cette vitalité, et des résultats de l’action du général Benoît Durieux, qui porte ce projet avec détermination ». Le discours de la Première ministre pour la rentrée de la session nationale de l’IHEDN est à retrouver en intégralité sur le compte X du gouvernement.
Le lendemain, les auditeurs ont poursuivi leur rentrée avec une première visite de terrain enrichissante à la fois intellectuellement et physiquement : les majeures AED et ESM sont parties au 3e Régiment d’infanterie de marine au fort de Penthièvre (Morbihan), les majeures SNC et DSE au 1er Régiment de spahis de Valence (Drôme) et au Commissariat à l’énergie atomique à Grenoble (Isère), alors que la majeure PolDef s’est retrouvée au Centre national d’entraînement commando de Collioure (Pyrénées-Orientales).