Guerre en Ukraine : la réponse européenne

24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Le monde est réveillé en sursaut par des images de villes bombardées. Selon l’Union européenne, les lignes rouges sont franchies. L’offensive russe constitue l’une des plus graves violations du droit international depuis des décennies. Comment les 27 états membres ont-ils organisé la riposte face à un événement qui a déjà bouleversé l’ordre mondial ?
IHEDN-Guerre en Ukraine - la réponse européenne

UNE GUERRE POUR DES VALEURS EUROPÉENNES

Depuis presque un an, cette guerre oppose deux systèmes politiques : les autocraties contre les démocraties. « Cette guerre n’est pas seulement notre guerre, c’est une guerre pour des valeurs européennes, pour des valeurs humaines » a déclaré Olena Zelenska, Première dame ukrainienne sur France Inter le 15 décembre 2022. L’Union européenne (UE), née des ruines de la Seconde Guerre mondiale et en réponse à la menace soviétique grandissante, se devait de réagir. Car cette guerre menace les intérêts et les valeurs de l’Europe. Le respect des droits humains et du droit international est le socle sur lequel est bâtie l’UE. Elle ne pouvait rester inerte face à une telle volonté d’utiliser la force contre le droit. Ainsi, dès les premières heures de la guerre, l’Union européenne n’a pas tremblé pour parler d’une seule voix et a affiché une position sans équivoque. Le Président Macron l’a rappelé à l’issue du G7 organisé en Bavière en juin 2022, « la Russie ne peut, ni ne doit gagner » la guerre. Pour accompagner le geste à la parole, le Conseil européen a immédiatement déclenché les outils du hard power en mettant en place une série de mesures.

UNE RIPOSTE DIPLOMATIQUE ET ÉCONOMIQUE

L’Union européenne appliquait déjà des sanctions contre la Russie depuis 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée et de l’absence de mise en œuvre des accords de Minsk. Face au nouveau contexte européen, les 27 États membres prennent une série de mesures (individuelles, économiques et diplomatiques) à l’encontre du pays agresseur.

Dès le 27 février, l’UE annonce une première série de sanctions avec l’interdiction de la diffusion dans l’UE des médias du Kremlin (notamment Russia Today et Sputnik), le blocage de transactions de la Banque centrale russe et la fermeture de l’espace aérien européen aux avions russes. Lors de la Réunion extraordinaire du Conseil européen les 30 et 31 mai, les dirigeants européens se sont mis d’accord sur le 6e paquet de sanctions avec principalement un embargo sur le pétrole brut et les produits pétroliers en provenance de Russie, l’exclusion de trois banques russes du système financier international Swift et des mesures individuelles à l’encontre de 18 entités et 65 personnes responsables des atrocités commises à Boutcha et Marioupol. Plus récemment, une dixième vague de sanctions contre la Russie a été adoptée le 15 février. La Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonce de nouvelles interdictions d’exportations « afin de priver l’économie russe de technologies et de produits industriels essentiels ».

Les sanctions les plus sévères sont désormais en place. Pour assurer leur application, l’UE introduit de nouvelles dispositions pour prévenir tout contournement, car les États membres ont des définitions différentes de ce qui est constitutif d’une violation des mesures restrictives.

UN SOUTIEN AFFIRMÉ À L’INTÉGRITÉ DE L’UKRAINE

Parallèlement à ces sanctions, l’Union européenne apporte son aide à l’Ukraine. Il est prévu que l’UE verse 50 milliards1 d’euros d’aide financière, humanitaire ou militaire au gouvernement ukrainien. Par ailleurs, les 27 états membres, ainsi que la Norvège, la Turquie et la Macédoine du Nord enclenchent le mécanisme de protection civile de l’Union. Parallèlement, le conseil des ministres de l’Intérieur de l’UE décide de mettre en œuvre le mécanisme de protection temporaire, permettant aux Ukrainiens fuyant leur pays de bénéficier du « statut protecteur similaire aux réfugiés ».

Sur le plan militaire, les 27 États membres envoient des armes et du matériel militaire à l’armée ukrainienne et forment les soldats ukrainiens dans l’UE. « Un accord a été trouvé pour fournir des armements à l’armée ukrainienne pour une valeur de 450 millions et des équipements de protection et du carburant pour 50 millions», annonce le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, dès le 27 février 2022.

UN BOULEVERSEMENT DU PAYSAGE STRATÉGIQUE EUROPÉEN

La réaction de l’Union européenne est également d’ordre stratégique, puisqu’il lui faut faire la démonstration qu’elle est prête à défendre ses intérêts et à s’imposer face à d’autres puissances hégémoniques. Les États membres ont toujours cherché à développer l’autonomie stratégique de l’UE pour lui permettre de peser dans le concert des nations. Mais la guerre en Ukraine les oblige à revoir leur ambition dans l’urgence. L’Allemagne décide immédiatement « une augmentation de ses dépenses militaires dans les années à venir ». « Si le monde change, notre politique aussi doit changer », a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, lors d’une session extraordinaire du Bundestag consacrée à la situation en Ukraine. Ce « changement de doctrine » s’illustre également en Suède et en Finlande. Les deux pays s’engagent dans le soutien à l’Ukraine par des livraisons d’armes et demandent leur adhésion à l’OTAN.  

Malgré cette aide massive, l’issue de cette guerre reste incertaine tant les deux belligérants sont déterminés à déployer tous les moyens pour l’emporter. Mais, quelle que soit l’évolution de la situation, le 24 février 2022 marque un tournant dans l’Histoire du vieux continent. Plusieurs perspectives sont envisageables : si la Russie l’emporte, l’architecture de sécurité en Europe sera remise en cause. En revanche, si la Russie sort vaincue de cette guerre, l’Ukraine deviendra un pays central pour la stratégie européenne. Nous assisterons alors à un déplacement du centre de gravité vers le nord et l’est de l’Europe. D’autres questions se poseront alors : la France parviendra-t-elle à s’adapter à ce déplacement du centre de gravité ? Qu’en sera-t-il du couple franco-allemand ? Et quid de l’avenir de la vision française de l’évolution de l’Europe ?

1 ne comprend pas les aides fournies directement par les États membres (source : Conseil européen, Commission européenne février 2023)