Dès 1937, le vice-amiral Raoul Castex conclut au nécessaire décloisonnement du travail des civils et des militaires pour préparer le pays aux dangers futurs. A l’occasion d’Euronaval, nous vous proposons de revenir sur le parcours de cet illustre marin.
Le vice-amiral Raoul Castex est le premier directeur du Collège des hautes études de défense nationale entre 1936 et 1939, « l’ancêtre » de l’IHEDN. Sorti major de sa promotion de l’École navale et de l’École supérieure d’application, Raoul Castex se rend célèbre avec la publication de plusieurs ouvrages sur la défense de l’Indochine et la montée en puissance du Japon. Particulièrement attentif aux questions d’enseignement, Castex prône dans son ouvrage Le Grand État-major naval, publié en 1909, « une pénétration intellectuelle réciproque [unissant] nos deux armées de terre et de mer et que ces deux branches de la défense nationale cessassent de s’ignorer ». Cette idée marque durablement sa réflexion sur les relations politico-militaires de la IIIe République. Inspiré par les travaux d’Alfred Mahan et se méfiant des théories de la Jeune école, Castex apparaît comme le principal penseur de la stratégie maritime française de l’entre-deux-guerres, avec la publication des Théories stratégiques, son œuvre majeure publiée en cinq volumes entre 1929 et 1935. Cette carrière de marin et d’écrivain lui permet d’accéder au commandement du Centre des hautes études navales (CHEN) et de l’École supérieure de Guerre navale entre 1932 et 1934, puis entre 1935 et 1937. En parallèle, il devient le premier directeur du CHEDN en août 1936 grâce au soutien d’Édouard Daladier, alors ministre de la défense nationale et de la guerre. Durant son mandat, il bâtit une méthode d’enseignement basée sur un cycle de conférences, des visites d’études, des travaux en communs et des exercices pour les auditeurs civils et militaires. Ainsi, le 3 novembre 1937, le vice-amiral Raoul Castex expose sa vision du concept de défense nationale lors de la « Conférence d’introduction » de la deuxième session du CHEDN. Se remémorant un « exercice combiné qui eut lieu récemment au Centre des hautes études militaires [CHEM] », où participaient « côte à côte les représentants des trois armées », il constate qu’une approche seulement militaire a révélé rapidement ses limites.
« À la critique, on fut amené, inévitablement, à élargir quelque peu le débat et à parler politique extérieure ; […] par malheur, le diplomate, non invité, manqua à la réunion. On en arriva de même […] à faire intervenir dans la discussion la situation démographique et militaires de l’Afrique occidentale, le problème du Transsaharien… On chercha des yeux le colonial ; il n’était pas là. Enfin, à propos des communications maritimes et de leur protection, on épilogue sur l’importance respective des diverses lignes de transport, sur les importations, les achats à l’étranger […]. Il nous aurait fallu […] les lumières d’un économiste et nous déplorâmes son absence. »
Dans cette optique, le nouveau CHEDN apparaît comme une pièce centrale : « Personnellement, j’ai cessé en entrant ici, de me considérer exclusivement comme marin. J’ai dépouillé ma carapace ancienne. J’ai perdu mon sexe, si j’ose dire. La Marine ne paraît ni plus ni moins importante que les autres branches. L’ensemble seul m’intéresse. »
Une réflexion toujours d’actualité.