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Les origines historiques de la guerre en Ukraine

Le conflit actuel puise ses sources dans l’Histoire lointaine comme dans celle des dernières décennies, et dans l’utilisation qu’en fait la Russie.

DES ORIGINES PROFONDES DANS LA FORMATION DES NATIONS

En France, certaines voix affirment que l’OTAN et les États-Unis portent une lourde responsabilité dans la guerre en Ukraine, en raison des élargissements de l’OTAN. Mais si l’on regarde l’Histoire un peu plus lointaine, les faits montrent que tous les pays de l’ancien bloc de l’Est ayant appartenu par la force au pacte de Varsovie ont, dès le début des années 1990, voulu rejoindre l’OTAN, qui est une alliance défensive.

Différentes raisons les motivaient : se protéger de la volonté de domination de la Russie, se prémunir contre une résurgence de l’impérialisme russe ; parce qu’ils avaient subi, pendant les 45 années précédentes, l’occupation soviétique et le joug soviétique, parce qu’ils avaient fait, des siècles durant, l’expérience de la violence politique russe. Par exemple, au printemps 1940, le massacre à Katyń, en Pologne, et dans d’autres lieux (dont Kiev, Kherson et Kharkiv), d’environ 22 000 membres de l’élite polonaise (officiers, ingénieurs, enseignants, médecins…) par le NKVD, la police politique soviétique.

Concernant l’Ukraine, en remontant beaucoup plus loin, on peut relever qu’elle s’est constituée nationalement sur un modèle différent de la Russie, même si les supposées origines communes des deux États au sein de la très ancienne Rus’ de Kiev (du IXe au XIIIe siècles) sont souvent martelées par Vladimir Poutine. En effet, dès les XIVe et XVe siècles, plusieurs cités de l’actuelle Ukraine adoptent le droit de Magdebourg, une forme de privilège urbain venu de Saxe, dans l’actuelle Allemagne : Sianok (1339), Lviv (1356), Kamianets-Podilskyï (1374), Loutsk (1432), Kiev (1497)…

« Ce droit des municipalités fut à l’origine de la formation nationale en Ukraine, distincte des cités russes sujettes à une autre réalité juridique », relève Nathalie de Kaniv, docteure en histoire et déléguée générale de l’association des auditeurs de l’IHEDN, dans la Revue Défense nationale. « Une rupture entre les territoires à l’est de l’Europe s’est faite à partir de cette période et explique les itinéraires distincts, bien qu’unis au cours du XXe siècle à la suite de l’expansion d’une nouvelle culture impériale, celle du communisme international. »

LES ARGUMENTS HISTORIQUES RÉCENTS AVANCÉS PAR LA RUSSIE

Avant la guerre, les dirigeants russes exprimaient quatre griefs principaux. Le premier concernait le fonctionnement de l’ordre international. Dans les années 1990, la Russie n’a pas pu empêcher des interventions occidentales, en particulier les frappes aériennes de l’OTAN contre les positions serbes au Kosovo et en Serbie en mars 1999. Cette campagne militaire, qui se déroule en dehors de tout cadre onusien, est perçue par les élites russes comme une humiliation et marque un premier refroidissement des relations russo-américaines.

Leur insatisfaction va aller crescendo. Elle s’accentue encore après le retrait unilatéral des États-Unis du traité ABM (« Anti-Ballistic Missile », signé en 1972 à Moscou) en 2002, et à nouveau à la suite de l’intervention militaire en Irak en 2003. Puis il y a le fameux discours du président Poutine, à Munich en 2007 : il impute les dysfonctionnements du système international à l’unipolarité du monde et se livre à une critique acerbe des États-Unis, dénonçant notamment « le dédain pour les principes de base du droit international et un hyper usage quasi irréfréné de la force ».

Le deuxième grief concernait évidemment les élargissements de l’OTAN. Les Russes auraient voulu, a posteriori, que l’OTAN disparaisse en même temps que la menace soviétique, et ils se disent convaincus que des garanties orales auraient été données à Gorbatchev concernant le non-élargissement de l’OTAN à l’est. C’est historiquement faux, mais cela ne les empêche pas de croire à leur mystification historique.

Le troisième grief portait sur le rapprochement de l’Ukraine et de la Géorgie avec les pays occidentaux d’une manière générale, et avec l’OTAN en particulier. Après bien des évolutions, le point 23 de la déclaration finale du sommet de l’OTAN à Bucarest, en avril 2008, spécifiait : « Aujourd’hui, nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN. » Du point de vue russe, la rupture est atteinte avec cette déclaration.

En parallèle de ce processus otanien, en juin 2008, le Conseil européen se penche pour la première fois sur le projet de partenariat oriental avec les ex-pays soviétiques situés dans le voisinage immédiat de l’Union, donc sans la Russie. Mais en août 2008, la guerre de Géorgie, avec comme conséquence la reconnaissance russe des indépendances de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, interrompt le rapprochement de l’Ukraine et de la Géorgie avec l’OTAN.

Puis fin 2013, le président ukrainien Viktor Ianoukovytch renonce au dernier moment à signer l’accord d’association avec l’Union européenne, cédant aux demandes de Poutine. S’ensuivent la mobilisation place Maïdan, puis la fuite de Ianoukovytch. Persuadés que ces mouvements sont orchestrés depuis l’étranger pour nuire à leurs intérêts, les Russes répondent par l’annexion de la Crimée et l’envoi de commandos au Donbass.

Enfin, le quatrième grief portait sur la non-application des accords de Minsk II de février 2015, notamment sur l’amnistie des séparatistes prorusses.