Défense, prévention des risques : le défi de la résilience

Publié le :

13 octobre 2025
À l’occasion de la Journée nationale de la résilience, zoom sur son inclusion croissante dans ces secteurs cruciaux pour la sécurité du pays, avec les éclairages de Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, et de Sylviane Bourguet, haut fonctionnaire au développement durable et directrice des territoires, de l’immobilier et de l’environnement du ministère des Armées.
Lundi de L'IHEDN : Défense, prévention des risques : le défi de la résilience

En physique mécanique, la résilience désigne la résistance d’un matériau au choc. Pour un corps ou une nation, la résilience est sa capacité à ne pas se décourager, ne pas se laisser abattre : sa force morale. La résilience matérielle constitue le socle de la résilience morale, et les armées sont un pilier de la résilience nationale.

En cette Journée nationale de la résilience (JNR), initiative du gouvernement depuis 2022 pour sensibiliser la population, l’IHEDN détaille comment cette donnée imprègne la défense au sens large : de la protection des populations face aux catastrophes à la durabilité des infrastructures et matériels militaires.

« Le changement climatique, la raréfaction des ressources et la perte de biodiversité impactent la sécurité internationale et les opérations militaires », rappelle Sylviane Bourguet, haut fonctionnaire au développement durable et directrice des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE) du ministère des Armées.

CÉDRIC BOURILLET : « AVEC LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EST MISE AU DÉFI »

Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques (direction à compétence nationale rattachée au ministère de la Transition écologique), l’indique aussi : « Avec le changement climatique, la politique de prévention est mise au défi », car il a des « impacts importants en termes de risques naturels, avec une intensification des phénomènes naturels tant en fréquence qu’en intensité ».

Selon cet ingénieur général des Mines, « il est usuel de dire que la résilience est la capacité à surmonter les « chocs » pour revenir à un fonctionnement normal le plus rapidement possible ». Et ces dernières années, la France a connu plusieurs chocs majeurs, poursuit Cédric Bourillet :

« On peut citer à titre d’exemples l’accident d’AZF en 2001, les incendies des sites de Lubrizol et de Normandie Logistique en 2019, la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 2022, les inondations majeures de l’hiver 2023-2024 dans les Hauts-de-France, les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion respectivement fin 2024 et début 2025, ou encore plus récemment l’incendie de Ribaute (Aude), qui avec 11 130 hectares brûlés, une intensité et une rapidité de propagation hors normes constitue l’un des feux les plus importants de ces 50 dernières années.»

Certains de ces chocs, naturels et même industriels, sont particulièrement accentués par le changement climatique, ajoute le directeur général de la prévention des risques :

« Je pense aux incendies, aux submersions marines mais aussi à des risques nouveaux en montagne. Il est aussi source de contraintes plus fortes sur les sites industriels à risques, soit par atteinte des installations par des évènements climatiques forts, soit par le stress apporté par exemple par le manque d’eau pour assurer des fonctions de refroidissement ou de sécurité. C’est ce qu’on dénomme le risque « Natech », accident technologique engendré par un évènement naturel. »

SYLVIANE BOURGUET : « LA RÉSILIENCE NE DOIT PAS ÊTRE CONFONDUE AVEC L’AUTONOMIE OU L’INDÉPENDANCE »

Face aux mêmes constats, le ministère des Armées s’est doté d’une stratégie défense durable 2024-2030 « dont l’objectif est de renforcer la capacité des forces armées à faire face aux défis environnementaux tout en assurant la permanence et la performance de leurs missions », explique Sylviane Bourguet :

« La définition de la résilience en matière de développement durable au ministère est donc de concilier la poursuite des activités opérationnelles et la performance militaire avec la préservation des ressources, notamment énergétiques et environnementales, dans un contexte d’adaptation permanente à des situations de crise. La résilience ne doit ainsi pas être confondue avec l’autonomie ou l’indépendance. »

Concrètement, le ministère des Armées renforce sa résilience à travers différentes actions, poursuit la haut fonctionnaire au développement durable :

  • « L’adaptation aux changements climatiques pour maintenir l’efficacité opérationnelle (diversification des sources d’énergie, repenser la mobilité, adapter les équipements du quotidien et les infrastructures, repenser les modalités et lieux d’entraînement, etc.) ;
  • la réduction de l’empreinte écologique (développement des énergies renouvelables, gestion des déchets, de la ressource en eau, la préservation de la diversité des espaces d’entraînements par une gestion écologique, etc.) ;
  • la préparation aux crises environnementales (sécheresses, inondations, etc.) pour protéger les personnels et les infrastructures (sensibilisations, exercices, etc.) ;
  • l’intégration de critères durables dans les achats et les constructions (stratégie capacitaire de long terme, par exemple l’hybridation). »

 

Et sur ses gigantesques implantations (275 000 ha, dont 80% situés en zones à forte valeur écologique), l’armée agit pour préserver la biodiversité. Au camp de La Valbonne, une emprise de 1600 ha dans l’Ain, le ministère s’efforce de concilier « biodiversité et préparation opérationnelle, en partenariat avec des experts (Muséum national d’Histoire naturelle, Conservatoires d’espaces naturels) ». Il contribue ainsi, dans cette zone très prisée des oiseaux migrateurs, à la restauration d’habitats menacés.

Cette logique très « amont », Cédric Bourillet la retrouve au niveau national pour les infrastructures civiles :

« En matière de prévention des risques naturels, les autorités publiques se sont particulièrement investies sur un point : s’assurer que l’évaluation des risques soit intégrée dès la conception des projets d’aménagement, plutôt que d’être considérée comme une simple contrainte à traiter en fin de parcours.

Parallèlement, nous avons Å“uvré pour réduire la vulnérabilité à toutes les échelles. Nous avons notamment renforcé l’échelle individuelle en développant le concept de « mieux reconstruire après une catastrophe ». À cette fin, nous expérimentons un dispositif qui accorde des aides financières spécifiques aux particuliers et aux petites entreprises (moins de 20 salariés) pour les inciter à mettre en place des protections individuelles efficaces contre les inondations. »

On l’a vu au MinArm, la préparation et la formation des personnels civils et militaires sont un enjeu-clé. Pour Cédric Bourillet, c’est l’ensemble de la population française qu’il s’agit de sensibiliser, dans sa vie privée comme professionnelle, puisque « les dommages générés par ces crises rappellent l’importance des démarches de prévention des risques ». 

JNR : 2000 ACTIONS DE SENSIBILISATION EN 2022, 12 000 L’AN DERNIER

Selon le directeur général de la prévention des risques, la résilience s’articule autour d’un continuum d’actions essentielles, allant de l’anticipation à l’apprentissage post-crise :

  • Connaissance des risques pour chaque territoire
  • Culture du risque : Sensibiliser chaque citoyen aux phénomènes naturels et aux accidents industriels, car ils peuvent affecter simultanément un grand nombre d’individus.
  • Mettre l’accent sur la réduction de la vulnérabilité des biens existants et l’intégration des risques dans l’aménagement futur.
  • Se préparer concrètement à la gestion de crise ainsi qu’au retour à la normale après l’événement
  • Systématiser le retour d’expérience pour améliorer continuellement les dispositifs de prévention et de gestion.

 

Cédric Bourillet illustre cette logique par un chiffre très parlant :

« Un euro investi en prévention via le fonds de prévention des risques naturels majeurs permet d’éviter 8 euros en dommages, sans compter les vies humaines sauvées qui restent la priorité de notre politique publique. »

L’initiative la plus « grand public » en matière en matière de sensibilisation à la résilience demeure bien sûr cette JNR annuelle. Concrètement, rappelle l’ingénieur général, « la JNR fixe un cadre d’actions via un appel à projets renouvelé chaque année pour inciter toutes les parties prenantes (collectivités, associations, assureurs, établissements scolaires…) à déployer des actions locales de sensibilisation aux risques majeurs (naturels et technologiques) pour faire connaître les risques et les bons comportements à adopter ».

Année après année, la sensibilisation augmente grâce à la JNR : de moins de 2000 actions en 2022, on est passé à plus de 12 000 en 2024. Cette année, un chiffre significativement supérieur est attendu.