L’Année de la Défense Nationale 2026

Publié le :

24 septembre 2025
Couverture de l'Année de la Défense Nationale 2026 - IHEDN

L’année 2024 a été marquée par de profonds bouleversements : l’élection américaine, la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient ou encore la redéfinition de la présence française en Afrique. Plus largement, les équilibres internationaux, les alliances militaires et le rôle des organisations multilatérales connaissent des mutations rapides, tandis que de nouvelles menaces émergent : technologies disruptives, ingérences étrangères, campagnes de désinformation etc. C’est dans ce contexte mouvant que paraît la troisième édition de L’Année de la défense nationale (ADN), intitulée « Incertitudes stratégiques ». Fidèle à son ambition, l’ouvrage réunit des analyses d’experts civils et militaires pour éclairer les grandes évolutions de la défense et de la sécurité au cours de l’année écoulée. Chaque contribution s’appuie sur des documents de référence, permettant au lecteur de mieux comprendre les enjeux et de se forger sa propre opinion. La soirée de lancement sera l’occasion de découvrir l’ouvrage et d’échanger avec plusieurs de ses auteurs. Un moment privilégié pour prendre du recul sur l’actualité stratégique et réfléchir ensemble aux défis à venir.

Découvrez un extrait du numéro :

On vous fait un résumé de quatre articles :

Le rapport au Parlement sur les exportations d’armement : comprendre un outil de politique étrangère et levier économique français de Jade Guiberteau Ricard

Le rapport au Parlement sur les exportations d’armement : derrière ses tableaux et chiffres, un véritable outil de politique étrangère, de transparence démocratique et de puissance économique.

Plongeons dans ce que révèle cet article de Jade Guiberteau Ricard, assistance de recherche au programme Military Expenditure and Arms Production au Stockholm International Peace Research Institute. 

Depuis 2022, la guerre en Ukraine a provoqué une flambée mondiale des dépenses militaires.

En 2023 : 2 443 milliards de dollars dépensés, un record.

La France reste 5e budget mondial avec 61,3 milliards, en hausse de +21 % depuis 2014.

Paradoxalement, les échanges mondiaux d’armement ont légèrement reculé. Pourquoi ?

  • Délais de production
  • Livraisons différées
  • Cessions de matériel déjà en service (notamment à l’Ukraine).

Mais la France tire son épingle du jeu : elle devient le 2ᵉ exportateur mondial d’armes.

Chaque année, un rapport au Parlement détaille les exportations d’armement françaises.

C’est une source rare et précieuse sur un sujet hautement confidentiel.

Objectif : informer sans compromettre les secrets industriels ou diplomatiques.

Ce rapport éclaire trois étapes clés du commerce d’armes :

  • Licences : autorisations administratives
  • Commandes : signature et paiements
  • Livraisons : concrétisation matérielle

Chaque étape a une dimension politique : une vente peut être suspendue (ex. les Mistral destinés à la Russie en 2014).

Les exportations d’armement servent deux objectifs stratégiques :

  • Soutenir la sécurité internationale et les partenariats de défense.
  • Assurer la pérennité d’une industrie de défense forte et autonome.

L’industrie de défense française, c’est un héritage du général de Gaulle qui souhaitait une autonomie stratégique reposant sur une industrie nationale capable de produire… et d’exporter :

  • 29 000 entreprises (PME, ETI, grands groupes)
  • Un organisme d’État dédié : la DGA qui accompagne cette mission depuis 1961
  • Un pilier de l’autonomie stratégique européenne
  • Une économie où export et souveraineté vont de pair

Les exportations d’armement, c’est aussi un instrument de politique étrangère :

  • Renforcer les partenariats stratégiques
  • Soutenir l’industrie nationale de défense
  • Accroître l’influence française à l’international

En somme :

Les exportations d’armement sont au croisement de la politique, de l’industrie et de la diplomatie.

Elles traduisent la vision française d’une autonomie stratégique assumée et d’une puissance d’équilibre.

Le rapport au Parlement est donc bien plus qu’un simple tableau statistique :

  • outil de transparence démocratique
  • levier économique pour la base industrielle et technologique de défense

C’est un instrument de puissance et d’influence.

La déstabilisation en ligne : analyse de l’ingérence étrangère du Baku Initiative Group Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (VIGINUM)

Ingérence étrangère et désinformation : le « Baku Initiative Group » (BIG), organe lié à l’Azerbaïdjan, mène depuis 2023 une vaste campagne hybride contre la France.

Objectif : déstabiliser Paris via ses territoires ultramarins.

Résumé de l’analyse de l’organisme Viginum.

En juillet 2023, le think tank azerbaïdjanais AIR Center crée le Baku Initiative Group (BIG) lors d’une conférence à Bakou sur « l’élimination du colonialisme ».

Objectif du BIG : remettre en cause la souveraineté française sur ses territoires ultramarins.

L’organisation combine :

  • actions numériques (bots, trolls, hashtags coordonnés)
  • actions physiques (conférences, invitations, financements).

Pourquoi la France est-elle ciblée ?

Bakou réagit au soutien français à l’Arménie dans le conflit du Haut-Karabakh.

  • L’Azerbaïdjan mobilise le narratif du « colonialisme français » pour saper la légitimité de Paris.
  • Une stratégie déjà utilisée par la Russie et d’autres puissances en Afrique.

Les cibles privilégiées du BIG :

  • Nouvelle-Calédonie – instrumentalisation des tensions autour du dégel du corps électoral.
  • Polynésie – exploitation des essais nucléaires français.
  • Martinique – détournement du mouvement contre la vie chère.
  •  Corse – soutien en ligne au mouvement « Nazione ».

En 2023, VIGINUM détecte la campagne “Olimpiya” :

  • visuels appelant au boycott des JO de Paris 2024
  • vidéos liant la France à des images d’émeutes
  • discours anticolonial contre Paris

Objectif : saper l’image française à l’international.

Mode opératoire : un dispositif hybride.

  • campagnes coordonnées et massives sur X avec des milliers de posts identiques, générés par bots et trolls.
  • conférences internationales avec des militants indépendantistes
  • relais par les médias d’État azéris

Après les révélations de VIGINUM, les comptes du BIG ont été supprimés…

Mais Bakou s’adapte :

  • Moins de numérique, plus d’actions physiques.
  • Multiplication des « mémorandums de coopération » avec des mouvements indépendantistes.
  • création du « Front international de libération des dernières colonies françaises » (FILDECOF),

Le BIG s’internationalise aussi.

  • Coopération avec des médias africains prorusses.
  • Invitation de figures panafricanistes comme Kemi Seba à Bakou.
  • Objectif : donner une portée mondiale à sa propagande anticoloniale.

En résumé :

Le Baku Initiative Group est un instrument d’influence et de déstabilisation au service de l’Azerbaïdjan.

Son action, hybride et transnationale, combine numérique, diplomatie parallèle et instrumentalisation idéologique.

Pour la France, cette affaire illustre les nouveaux visages de la guerre informationnelle :

  • Désinformation ciblée.
  • Hybridation des modes d’action.
  • Exploitation des fractures internes à des fins géopolitiques.

Le narcotrafic : comprendre une menace globale de Clotilde Champeyrache

Le narcotrafic, une menace globale et systémique

En France, le trafic de drogue n’est plus un fait divers : c’est un phénomène social, économique et politique qui gangrène l’État de droit. 

Décryptage avec Clotilde Champeyrache, maitresse de conférence au Conservatoire national des arts et métiers.

Le narcotrafic, une menace mondiale et systémique

La consommation de drogues explose partout, y compris en France.

  • 900 000 usagers quotidiens de cannabis,
  • 1,1 million de Français ont déjà pris de la cocaïne.

Mais au-delà de la santé publique, le narcotrafic mine nos institutions et notre économie.

Le phénomène change de visage

Les points de deal visibles cèdent la place à la vente sur les réseaux sociaux et à la livraison à domicile.

Résultat : une diffusion plus large, plus discrète, qui touche aussi les zones rurales.

La drogue vient désormais à l’usager.

L’économie du crime s’adapte

Les trafiquants se professionnalisent : diversification, alliances entre réseaux, externalisation de la vente à des jeunes “sacrifiables”.

En haut de la chaîne, les chefs restent invisibles.

Une menace qui dépasse la drogue

Les profits du narcotrafic (jusqu’à 6 milliards €/an en France) alimentent :

  • le blanchiment d’argent,
  • la corruption,
  • l’infiltration de l’économie légale.

Certains réseaux cherchent le pouvoir, pas seulement l’argent.

L’infiltration dans l’économie réelle

Les criminels investissent dans le BTP, la logistique ou l’immobilier.

Ces secteurs permettent de blanchir l’argent et de tisser des liens avec le monde politique.

Un danger silencieux : l’érosion de la confiance dans l’État et la loi.

Le danger n’est plus seulement sanitaire, mais politique.

Certains groupes criminels cherchent une légitimité locale, soutenant familles ou électeurs.

Une emprise “mafieuse” qui mine la démocratie.

Pour Clotilde Champeyrache, la réponse doit changer :

  • cibler les organisations, pas les consommateurs
  • confisquer les avoirs
  •  traquer l’infiltration économique
  •  renforcer le renseignement criminel

En somme :

Champeyrache nous rappelle que le narcotrafic n’est pas une simple question d’ordre public, mais une bataille pour la cohésion sociale et la légitimité de l’État. Le narcotrafic révèle une crise plus large : celle de notre souveraineté et de notre rapport à la loi. Reprendre le contrôle, c’est aussi restaurer la cohérence entre économie, droit et démocratie.

La stratégie gagnante : Hayat Tahrir al-Cham contre le djihadisme transnational en Syrie de Arthur Stein

La stratégie gagnante : Hayat Tahrir al-Cham contre le djihadisme transnational en Syrie. En 2024, Hayat Tahrir al-Cham (HTC) renverse Bachar el-Assad et s’empare de Damas., Arthur Stein, analyste au sein de l’IHEDN, analyse comment le groupe a tourné le dos au djihadisme global pour consolider son pouvoir.

Le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir Al-Cham ou HTC (en français, Organisation de libération du Levant), né des scissions entre Jabhat al-Nosra, Al-Qaïda (AQ) et l’État islamique (EI), a su s’imposer comme une force dominante en Syrie.

D’abord affilié à l’EI, puis à AQ, le mouvement a progressivement rompu avec les deux pour se concentrer sur un objectif national :

  • faire tomber Assad
  • instaurer une gouvernance locale stable
  • se légitimer politiquement

Ce recentrage idéologique s’accompagne d’une lutte armée contre les groupes djihadistes transnationaux.

Entre 2017 et 2022, HTC mène plus de 50 opérations contre l’État islamique dans la région d’Idlib, démantelant ses réseaux locaux.

Pourquoi ce virage ?

Pour survivre et prospérer. HTC cherche à se légitimer auprès de trois publics :

  1. la population locale
  2. les autres factions syriennes
  3. la communauté internationale

En réprimant le djihadisme global, HTC veut apparaître comme un acteur “responsable” capable de gouverner, stabiliser Idlib et, désormais, Damas.

Une stratégie pour éviter les frappes étrangères et espérer un allègement des sanctions.

Mais cette lutte est aussi une stratégie de pouvoir :

HTC élimine ses rivaux pour monopoliser la violence, prévenir les défections et consolider son hégémonie.

C’est moins une déradicalisation qu’un calcul politique.

Ce pragmatisme, loin de la surenchère djihadiste d’AQ et de l’EI, s’avère payant. HTC a transformé sa gouvernance, construit des institutions et offert une stabilité relative à la région d’Idlib.

Aujourd’hui :

Avec HTC au pouvoir à Damas, la question se pose : l’EI et AQ peuvent-ils renaître ?

Stein estime que le succès d’HTC réduit davantage le risque d’un retour du djihadisme global que son échec pourrait le faire.

En d’autres termes :

  • Hayat Tahrir al-Cham, né du djihadisme, pourrait bien en devenir le fossoyeur en Syrie.
  • Une mutation stratégique plus que religieuse, mais aux effets géopolitiques majeurs.